12 Septembre 2022 –
L’insertion professionnelle des jeunes et des publics éloignés de l’emploi ne peut être la seule affaire des structures spécialisées. Cet enjeu majeur exige la mobilisation de toutes les entreprises. Au nom de la RSE, certaines jouent le jeu… Et pas seulement les grands groupes ni les secteurs attendus.
La crise sanitaire a ralenti, sans la stopper, l’insertion professionnelle des jeunes, et celle-ci a rapidement retrouvé, avec la reprise, son niveau d’avant-crise. Telle est la conclusion de la dernière étude sur le sujet publiée par le ministère du Travail. En juillet 2021, un an après leur sortie d’études à l’été 2020, 69 % des apprentis et 49 % des lycéens professionnels avaient un emploi salarié dans le secteur privé en France. Des chiffres supérieurs à ceux de la génération précédente, sortie d’études à l’été 2019 (respectivement 65 % et 44 %), mais comparables à ceux des jeunes sortis de formation à l’été 2018 (68 % et 50 %).
Cette génération a été affectée à sa sortie d’études par la crise économique due à l’épidémie, mais a bénéficié un an plus tard de la reprise de l’activité. La levée des restrictions sanitaires pesant sur certains secteurs a largement contribué à cette progression. Les hausses les plus sensibles concernent les spécialités « hôtellerie, restauration, tourisme » et, dans une moindre mesure, « agroalimentaire et alimentation ». Selon une étude de l’Insee, certains secteurs en tension, comme le paramédical, ont échappé aux effets de la crise : les titulaires d’un diplôme de la santé bénéficiaient d’un taux d’emploi très élevé (89,7 %), qui a progressé en 2020.
Ces chiffres illustrent les enjeux de l’insertion professionnelle, ce processus qui permet à un individu d’entrer sur le marché du travail dans des conditions favorables à l’obtention d’un emploi. Depuis la fin des années 1970, face à la montée du chômage, les politiques d’insertion des jeunes cherchent à favoriser l’accès à l’emploi (contrats aidés et exonération fiscales pour les employeurs) et le développement de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Depuis les années 2000, elles sont aussi axées sur l’autonomie financière des jeunes en difficulté. En 2019, 1,5 million de jeunes de 15 à 29 ans n’étaient ni en emploi, ni en études, ni en formation. C’est bien sûr sur cette population que portent en priorité les efforts, comme le lancement en 2020 du Plan « 1 jeune, 1 solution », et la mise en place en 2022 du Contrat d’engagement jeune.
Insertion par l’activité économique
Mais même si le sujet est majeur, les difficultés d’accès à l’emploi ne concernent pas seulement les jeunes. Au-delà de son acception générique, le terme d’insertion professionnelle est utilisé pour toutes les personnes en difficulté face à l’emploi. Selon Ali Taleb, de la Fédération Envie, réseau de 50 entreprises d’insertion spécialisées dans la rénovation d’électroménager, on parle ici de l’« insertion vers l’emploi durable des personnes en précarité sociale » : chômeurs de longue durée, bénéficiaires de minima sociaux, chômeurs en situation de handicap, jeunes sans emploi, parents isolés, personnes sans ressources ou récemment arrivées en France. C’est pour ces publics que l’insertion par l’activité économique (IAE) est reconnue depuis 1991, car elle permet aux personnes les plus éloignées de l’emploi de bénéficier d’un accompagnement renforcé pour reprendre confiance en soi, (re)trouver des habitudes de travail et se former à un métier. Ateliers et chantiers d’insertion, associations intermédiaires, entreprises d’insertion ou de travail temporaire d’insertion, les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) sont près de 4.000 en France et accueillent 140.000 salariés en parcours d’insertion.
Ceux-ci sont employés avec un contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI), de quatre mois à deux ans. À la fin du contrat, six personnes sur dix trouvent un emploi durable ou une formation qualifiante. « La formation est un outil efficace et un levier fort pour l’accès à l’emploi durable », souligne Ali Taleb. « Même dans un contexte de baisse du chômage, les personnes prises en charge par les SIAE nécessitent un accompagnement particulier compte tenu des problèmes d’ordre social, auxquelles elles sont confrontées (accès aux soins, logement, etc.) », ajoute le responsable d’Envie.
Des grands groupes se mobilisent
Mais l’insertion professionnelle n’est pas la seule affaire des structures spécialisées. Elle exige la mobilisation de toutes les entreprises. C’est le sens du plan « 10.000 entreprises pour l’inclusion et l’insertion professionnelle » lancé par le gouvernement. Certaines entreprises répondent présent. Le groupe Suez, par exemple, est engagé depuis près de vingt ans avec sa filiale « Rebond Insertion » et ses « Maisons pour rebondir », sorte de « guichets uniques » pour l’insertion par l’emploi. « Les entreprises ont tendance à sous-estimer la question de la confiance en soi des personnes en difficulté », explique Benoît Bonello, directeur de l’innovation sociale chez Suez. « C’est pourquoi nous sensibilisons les collaborateurs pour assurer un climat bienveillant lors de l’intégration de nouvelles recrues et que nous avons mis en place un système de coaching ».
Autre écueil pour les entreprises : leur difficulté à présenter leurs métiers. La plupart des métiers opérationnels de Suez, agent de réseau ou d’assainissement, électromécanicien, agent de station, sont mal connus et les fiches de postes peu adaptées à une communication grand public. C’est pourquoi le groupe fait connaître ses métiers par des témoignages de collaborateurs, des visites de sites et des immersions lors du processus de recrutement.
Le succès en matière d’insertion exige de ne pas s’inscrire dans une politique du chiffre mais dans une logique qualitative et de temps long. « Plus les personnes sont éloignées de l’emploi, plus elles ont besoin d’un accompagnement renforcé, précise le responsable de Suez. Pour avoir un vrai impact social positif, on doit être dans une démarche qualitative, jusqu’au-boutiste même. Il vaut mieux intégrer moins de personnes, mais dans de bonnes conditions, que de faire du « social washing » en annonçant des grands chiffres qui ne traduisent aucune réalité concrète ».
Initiatives locales de PME
Ce type d’engagement n’est pas l’apanage des grands groupes. Des PME, implantées dans les territoires, ont également décidé de se mobiliser. En février dernier, 18 entreprises du Val-d’Oise se sont engagées pour l’insertion professionnelle et l’embauche de publics éloignés de l’emploi. Elles vont, durant trois ans, favoriser l’apprentissage, recruter des personnes en situation de handicap et des réfugiés, mais aussi privilégier les achats auprès d’entreprises d’insertion, et intervenir dans des établissements scolaires. Une initiative de la Direction départementale de l’emploi qui a bénéficié du soutien opérationnel de la Chambre de commerce et d’industrie.
« Nous sommes allés à la rencontre des dirigeants d’entreprises sensibilisés qui avaient envie de faire des choses avec les jeunes, mais pas seulement », souligne Stéphanie Gadbin, chargée des questions d’inclusion professionnelle à la CCI. L’objectif est aussi d’inciter les autres entreprises à s’inspirer de ces bonnes pratiques. « J’emploie déjà trois apprentis et mon objectif est de continuer d’en prendre. C’est vraiment enrichissant de voir des jeunes se lancer par la suite », se félicite Marc Perry, gérant du restaurant « Oh ! Vin’Cœur » à Taverny. Babychou Services, spécialisé dans la garde d’enfants à domicile, implanté à Herblay et à Pontoise, envisage de son côté de « prendre une dizaine d’apprentis cette année et une vingtaine l’année suivante ». L’entreprise envisage également d’embaucher un salarié en situation de handicap.
Pour la majorité des chefs d’entreprise, c’est d’abord l’apprentissage qui séduit. Une formule facilitée par un solide coup de pouce de l’Etat, qui permet aux sociétés de moins de 250 salariés de bénéficier d’une prime allant jusqu’à 8.000 euros pour l’embauche d’un majeur. Les 720.000 contrats d’apprentissage signés en France en 2021 établissent d’ailleurs un nouveau record.
Inclusivité, tous secteurs confondus
Dans certains secteurs, l’insertion professionnelle est plus difficile à mettre en place. C’est le cas par exemple du secteur de blanchisserie, où le respect des normes d’hygiène et de sécurité exige une formation spécifique. Pourtant, Kalhyge, n°2 français de l’entretien-location de textiles, se prête volontiers au jeu. Son unité de Decazeville, dans l’Aveyron, a signé un partenariat avec l’agence d’intérim Manpower pour réaliser un projet de formation au métier d’agent de blanchisserie destiné à des demandeurs d’emploi longue durée et à des personnes en insertion, avec l’objectif de créer de l’emploi durable. Un véritable « challenge humain et sociétal ».
Kalhyge porte cette volonté d’inclusion au cœur de son développement. « La diversité est un élément qui ressort lorsque l’on fait une enquête auprès de nos collaborateurs, et c’est une des valeurs que nous mettons incontestablement en avant, car c’est une véritable richesse pour l’entreprise », souligne Sylvie Kroutinsky, DRH de Kalhyge. Avec 55 nationalités différentes, et un âge moyen de 48 ans – donc beaucoup de seniors – le groupe à tout à y gagner. En effet, la génération des plus de 50 ans partage un savoir-faire avec ses jeunes homologues, et porte en général le recul et l’expérience. Un plus pour l’entreprise.
De plus, si les chiffres démontrent que la parité est loin d’être acquise dans les entreprises françaises, Kalhyge y accorde énormément d’importance. Depuis plusieurs années, le groupe à mis en place un index d’égalité homme-femme – un index « particulièrement satisfaisant » d’après la DRH, celui-ci ayant atteint un score de 93 % sur les unités de production et de 99 % au siège. En visant l’égalité de recrutement à tous les niveaux et l’égalité de gestion de carrière entre hommes et femmes, Kalhyge favorise une ascension des femmes à des postes de responsabilités, harmonisée avec celles des hommes.
Avec plus de 3 000 salariés sur l’ensemble de l’Hexagone, le groupe propose également une grande variété de métiers ouverts à tous : des métiers de production (maintenance, gestion des stocks) à ceux liés au contact extérieur (distribution, service client) en passant par les fonctions support (finance, RH, achats, logistique). Mais surtout, les employées, une fois recrutés, ont de véritables possibilités d’ascenseur social. « Le capital humain est au cœur de l’entreprise », souligne Sylvie Kroutinsky. En lançant sa propre Académie, le groupe Kalhyge leur propose des parcours de formation pour soutenir et encourager la promotion interne.
Antoine Tullari est un expert chevronné dans le domaine de l’emploi des étudiants, apportant une expérience précieuse acquise au fil de sa carrière. Avec plus de quinze ans d’expérience en tant que conseiller en carrière et formateur en développement professionnel, Antoine a aidé d’innombrables étudiants à réussir leur entrée sur le marché du travail.